26. Juni 2014

Blinder Enthusiasmus für den frühen Beginn

Georges Lüdi, emeritierter Linguist der Universität Basel, war massgeblich verantwortlich für die EDK-Sprachenstrategie von 2004, welche den Unterricht von zwei Fremdsprachen an der Primarschule festlegte. In einem Interview mit Le Temps blickt er kritisch auf den momentanen Zustand des Französischunterrichts in der Deutschschweiz. Dieser sei "nicht optimal". Entgegen der landläufigen Auffassung lernten junge Schüler nicht besser Fremdsprachen als ältere. Allerdings brauchten die jungen Primarschüler massiv mehr Kontakt zur Fremdsprache. "Ich glaube, es herrschte ein blinder Enthusiasmus für einen frühen Beginn mit den Fremdsprachen". 

Georges Lüdi, ein Anhänger des frühen Fremdsprachenunterrichts, kritisiert den herrschenden Unterricht. Bild: Eddy Mottaz


"Il faut améliorer l'enseignement précoce des langues", Le Temps, 23.6. von Sandrine Hochstrasser
Supprimer le français des écoles primaires alémaniques? Plusieurs cantons y songent, à l’image de Nidwald, qui votera prochainement. Georges Lüdi assiste avec désolation à ces attaques contre la langue de Molière. Le Romand a acquis l’allemand dès l’âge de 6 ans au jardin d’enfants de Baden. L’expert polyglotte a présidé le comité chargé de concevoir l’apprentissage des langues en Suisse, au sein de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP). Passé l’âge de la retraite, le professeur de linguistique à l’Université de Bâle poursuit ses activités de recherche, enchaînant conférences et publications. Convaincu que les capacités des enfants sont illimitées, il regrette que les jeunes Suisses ne soient pas plongés dans un environnement bilingue. Et rappelle qu’en termes de fracture linguistique… les torts sont partagés.
Le Temps: Les Suisses alémaniques parlent-ils moins bien le français qu’avant?
Georges Lüdi : D’un point de vue «statistique», l’enseignement du français a progressé outre-Sarine. Il y a cinquante ans, seuls les plus doués apprenaient cette langue à l’école secondaire. Depuis la réforme de 1974, tous les élèves alémaniques reçoivent des cours, dès le primaire. Ce qui est réjouissant. Par contre, si l’on observe l’«usage», on obtient une image très différente. La motivation, la curiosité d’apprendre le français sont faibles. Les Suisses alémaniques ne veulent pas aller passer leurs vacances en Romandie; ils ne cherchent plus à s’exprimer dans cette langue. On assiste à un certain repli. Il faut admettre que les francophones ont une part de responsabilité: ils ont une attitude très normative par rapport à leur langue. Les enseignants veulent que l’on parle le «bon» français, ils craignent qu’on le «massacre» en faisant des fautes. Même les professeurs qui ne sont pas de langue maternelle française (soit la majorité d’entre eux), ont adopté cette approche très normative. Ils sont encore plus pointilleux. Or, c’est une attitude décourageante pour les germanophones. Et c’est une attitude contraire aux recommandations du Conseil de l’Europe et d’HarmoS, qui préconise une connaissance pragmatique des langues – que l’on soit capable de communiquer, même avec des erreurs.
– Les auteurs des initiatives contre le français dans les écoles alémaniques ne souhaitent pas le supprimer totalement, mais revenir au système d’antan: qu’il ne soit enseigné qu’au secondaire. Pourquoi vous opposez-vous à cette idée?
– Quand le français a été introduit en primaire, les écoles secondaires ont drastiquement diminué le nombre d’heures dévolu à cette langue. Aujourd’hui, elles n’ont plus les moyens d’ajouter des cours. De nouvelles branches, comme l’informatique, se sont imposées dans la grille horaire. Si l’on revenait au système d’avant, le temps d’exposition au français diminuerait et seuls les plus doués apprendraient cette langue. A terme, on risquerait de la supprimer car les résultats seraient décevants. On s’avance sur une pente dangereuse. Je dois admettre pourtant que l’enseignement actuel n’est pas optimal.
– Pourquoi?
– Les enfants n’apprennent pas mieux en étant très jeunes, contrairement à ce que l’on prétend. Les élèves du secondaire comprennent mieux la grammaire, le lexique, la syntaxe. Comme le disait Piaget, c’est à 11 ou 12 ans que se développent certaines connaissances cognitives, nécessaires au discours. Les petits, quant à eux, saisissent mieux la prononciation et distinguent mieux les phonèmes. Ils arrivent à discriminer les sons, tels les «on, in, en» que les Alémaniques ont tant de peine à prononcer. On ne peut donc pas économiser des heures au secondaire en introduisant le français précoce. L’un ne compense pas l’autre. Avec les petits, il faut accroître massivement le temps d’exposition à la langue pour arriver à un résultat. Je crois qu’il y a eu un enthousiasme aveugle pour l’enseignement précoce.
– Vous être en train de donner raison aux initiants…
– Non. Je suis persuadé de la nécessité de l’enseignement précoce, mais il faut l’améliorer. L’avantage de commencer l’apprentissage au primaire, c’est de pouvoir former les enfants moins doués. Ces derniers ont besoin de commencer très tôt, avec beaucoup d’heures, pour apprendre la langue. Mais cela pose la question du temps d’exposition. A l’heure actuelle, il n’y a pas assez d’heures en français dans les écoles primaires suisses alémaniques. Et l’inverse est également vrai dans les écoles romandes.
– Quelle est la solution?
– On ne peut pas augmenter les cours de français, à cause des horaires. Mais l’on pourrait enseigner d’autres matières dans cette langue, comme l’histoire ou la géographie. Au Luxembourg, les mathématiques sont données en français dès la fin du primaire. C’est un excellent moyen d’augmenter le taux d’exposition.
– Et les enfants en difficulté? C’est justement pour ces élèves que les initiants veulent supprimer le français, afin qu’ils se concentrent sur les branches principales…
– Le cerveau n’est pas un vase communicant. Ce n’est pas parce qu’un enfant apprend davantage de français qu’il apprend moins d’allemand. Sa capacité d’assimilation est illimitée. Un élève qui a de la peine en maths aura les mêmes difficultés si le cours est donné en français. Cela n’a rien à voir avec la langue. D’ailleurs, c’est étonnant que personne ne remette en cause l’enseignement de l’anglais! Pourtant, son utilité est contestable: la plupart des employés des PME n’en ont absolument pas besoin. Une étude a d’ailleurs montré que la majorité des Alémaniques apprenaient l’anglais… pour leurs vacances et non pas pour leur travail. Il faut leur redonner envie de voyager en France et en Suisse romande. Faire des échanges avec les élèves par exemple.
– Ces initiatives contre le français vous effraient-elles?
– Mon seul vrai souci: qu’une telle initiative aboutisse à Zurich (ce qui n’est heureusement pas le cas pour l’instant). Ce canton a une position tellement dominante. Quand il a décidé unilatéralement de mettre la priorité sur l’anglais, beaucoup de cantons l’ont suivi. Il a fallu de fortes résistances du reste de la Suisse pour atteindre le compromis de 2004 (qui oblige les cantons à enseigner deux langues étrangères au primaire, tout en leur permettant de choisir avec laquelle ils commencent). Or, ce compromis est fragile. Heureusement, les Zurichois ont voté pour le maintien des deux langues étrangères dans ce canton.
– Les attaques actuelles sont-elles le signe d’un malaise profond ou sont-elles de simples résistances, qui reviennent régulièrement?
– Ce n’est pas la première fois que des cantons résistent. Quand la CDIP a proposé d’introduire le français à l’école primaire en 1974, tous les cantons ont signé. Mais en 1998, l’Argovie, soucieuse de préserver son autonomie, n’avait pas encore appliqué l’accord! On a le même problème avec le compromis de 2004. Certains cantons, comme Appenzell, n’ont toujours pas introduit l’enseignement de deux langues étrangères au primaire.
– La Suisse romande s’inquiète de ce mépris alémanique pour le français. Mais qu’en est-il de l’allemand de ce côté de la Sarine?
– Les Romands disent qu’ils sont mauvais en allemand et ne veulent pas le parler, mais c’est une fausse perception, en décalage avec leurs compétences réelles.
Ils sont victimes de cette attitude normative, dont j’ai déjà parlé.
Ils préfèrent ne pas s’exprimer en allemand que faire des fautes.
Le dialecte est bien entendu un problème supplémentaire.
– Pourquoi les Romands n’apprennent-ils pas le suisse-allemand?
– Il y a quelques tentatives, à Genève notamment. Mais on bute encore sur des représentations sociales. Le monde francophone a été marqué par la Révolution française, qui a banni les dialectes. Il y a eu une pression pour abandonner les patois. Or, les Romands ont conservé ces a priori. Ils estiment que le dialecte n’est pas une langue, qu’on ne peut pas l’apprendre, qu’il varie trop d’un canton à l’autre. La plupart des enseignants d’allemand en Suisse romande ne le parlent pas et portent les mêmes préjugés. Et pourtant, on pourrait vraiment sensibiliser les jeunes Romands au Mundart, à côté de l’allemand standard.



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